PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIIe SIÈCLE                     295
pas là. Il garantissait à chacun des d.eux entrepreneurs une pension de 15,000 livres, plus une somme de 100,000 livres, une fois payée, pour frais de premier établissement. Une clause, de nature à tou­cher tout spécialement les vrais Flamands, les autorisait à ouvrir des brasseries de bière partout où bon leur semblerait. Enfin le roi promettait de les garantir contre toute poursuite exercée contre eux dans leur pays, en raison de leur départ.
Les apprentis que les nouveaux venus devaient prendre, au nombre de vingt-cinq la première année, et de vingt les deux années suivantes, seraient entretenus aux frais de l'État.
En retour cie tant d'avantages, les tapissiers flamands prenaient simplement l'engagement d'entretenir quatre-vingts métiers toujours en activité : soixante à Paris, vingt à Amiens ou en une autre ville de leur choix. Ils s'engageaient aussi à ne pas vendre leurs produc­tions à un prix supérieur aux tapisseries qu'on importait des Flandres, et dont l'entrée était désormais interdite. Amiens était la seule ville indiquée dans les lettres patentes pour recevoir à bref -délai une succursale . de l'établissement de Paris. Nous verrons' bientôt que les entrepreneurs ne tardèrent pas à fonder sur les bords de la Loire, à Tours, un atelier qui eut une certaine durée et sut conquérir une brillante réputation.
Si les avantages concédés aux tapissiers flamands pour les décider à se fixer en France étaient énormes, il faut remarquer que Comans et de la Planche restaient absolument indépendants et maitres de leur entreprise. Henri IV s'était proposé d'affranchir son royaume des lourdes redevances qu'il payait aux manufactures, étrangères, d'empêcher l'argent de sortir du royaume. Mais les deux chefs de l'atelier demeuraient complètement libres de recevoir les commandes des particuliers et d'employer leurs métiers pour qui les payait. Us établissaient leur budget comme ils l'entendaient. C'était à eux de pourvoir à la rétribution de leurs ouvriers, à leurs frais géné­raux, avec les produits de la vente des tapisseries, d'une part, et avec les subsides royaux, de l'autre. Le souverain se réservait seulement le droit d'utiliser leurs talents pour son propre compte, mais en payant ses acquisitions comme tout autre client.
Cette organisation, qui subsista en principe sous Louis XIV et jusqu'à la fin de l'ancienne monarchie, ne semble-1-elle pas pré­férable-au régime sous lequel vivent, depuis bientôt un siècle, les manufactures nationales? Elle laissait place à l'esprit d'initiative.